Publiée au Journal Officiel du 1er mars 2023, la loi du 28 février 2023 (n°2023-140) est venue créer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, sous la forme d’un don ou d’un prêt sans intérêt.
Cette proposition de loi déposée le 6 septembre 2022 notamment par la sénatrice Valérie Létard, avait été adopté à l’unanimité en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 20 octobre 2022, puis le 16 janvier 2023 par l’Assemblée nationale. Le 16 février 2023, le Sénat avait, en deuxième lecture, adoptée définitivement ce texte, sans modification et à l’unanimité.
Cette nouvelle loi s’inscrit dans un processus de protection des victimes de violences conjugales, afin d’enrayer les chiffres accablants en matière de violences conjugales, rappelés par Madame Jocelyne Guidez, rapporteur de cette loi.
Ainsi, en 2021, 122 femmes sont mortes sous les coups de leur (ex-)conjoint, partenaire de PACS ou concubin (représentant une hausse de 20% par rapport à 2020). Elles étaient 224 en 2022 et sont déjà 29 à ce jour pour 2023.
Les récentes avancées législatives étaient jusque-là principalement tournées vers les auteurs, que ce soit en termes d’éloignement ou de réponse pénale (création de l’ordonnance de protection visant à éloigner l’auteur, port du bracelet anti-rapprochement, élargissement des sanctions pénales, allongement des délais de prescription, etc.).
Cette loi du 28 février 2023, prévoit quant à elle des mesures exclusivement destinées aux victimes, en leur permettant d’échapper à ces violences et de se mettre en sécurité, sans y être empêchées pour des questions économiques.
Rappelons sur ce point la particulière vulnérabilité économique de ces victimes (50% sont sans emploi, 25 % parlent de violences économiques). Selon Violences Femmes Info, 59 % des victimes souhaitent ainsi quitter le domicile conjugal, et 18 % des victimes indiquent avoir effectué plusieurs départs du domicile, contraintes d’y revenir (en moyenne, sept allers/retours sont nécessaires pour quitter définitivement leurs conjoints).
L’une des difficultés pour quitter le domicile familial réside dans cette question économique.
Le nouvel article 214-8 du CASF vient ainsi poser le principe selon lequel toute victime de violences conjugales (au sens de l’article 132-80 du Code pénal) peut bénéficier « d’un accompagnement adapté à ses besoins » (futur article L.214-8 du CASF).
Les victimes pourront ainsi recevoir « une aide financière d’urgence », soit sous la forme « d’un prêt sans intérêt », soit via « une aide non remboursable », dont les montants seront fixés en fonction de la situation financière et sociale de la personne et de la présence ou non d’enfants (futur article L.214-9 CASF).
Cette aide pourra être accordée si une ordonnance de protection a été prononcée par le JAF, ou lorsqu’une plainte ou un signalement aura été adressé au Procureur de la République. La demande, qui se fera via un formulaire simplifié, sera immédiatement transmise à la CAF ou à la MSA (Mutualité sociale agricole) puis au Président du conseil départemental (futur article L.214-9 du CASF).
L’urgence étant présumée, le versement de l’aide (ou une partie) pourra intervenir très rapidement (délai de trois à cinq jours) afin de permettre aux victimes d’être en sécurité et indépendantes financièrement.
S’agissant du prêt sans intérêt, son remboursement ne pourra intervenir qu’à la fin de la procédure pénale intentée à l’encontre de l’auteur des faits (nouvel article L.214-12 Code de l’action sociale et des familles).
Si l’auteur venait à être condamné pour ces faits, la peine complémentaire de remboursement de ce prêt sera automatiquement prononcée à son encontre (article 222-44-1 du Code pénal), sauf jugement contraire, qui devra être spécialement motivé.
Cette loi prévoit par ailleurs que les services de police judiciaire auront l’obligation d’informer les victimes – qui se présentent à eux pour dénoncer des faits violences conjugales – de la possibilité de demander cette aide d’urgence (futur article 15-3-2-1 du Code de procédure pénale).
Enfin, l’article 3 prévoit qu’une loi de de programmation pluriannuelle devra, tous les cinq ans, déterminer les moyens financiers et humains nécessaires à la prévention et à l’accompagnement des victimes de violences au sein du couple (par exemple les moyens destinés à la formation des médecins, des travailleurs sociaux, des personnels de l’Education nationale ou encore des personnels de police et de gendarmerie sur ce sujet).
Cette loi du 28 février 2022 a ainsi pour mission de permettre aux victimes de violences conjugales de quitter leur domicile rapidement sans que la question financière ne constitue un quelconque obstacle ou frein à cette décision.
Un décret d’application à venir étayera les dispositifs de cette loi qui entrera en vigueur, au plus tard, le 28 novembre 2023.